La chasseuse de trolls - Stefan Spjut - chronique de lecture les-carnets-dystopiques.fr
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La chasseuse de trolls

La chasseuse de trolls est un (gros) roman de l’auteur suédois Stefan Spjut. Il nous entraîne dans la suède profonde pour tenter de résoudre l’énigme de la disparition mystérieuse de jeunes enfants. Au milieu de ce récit mi-thriller mi-polar transparait petit à petit la mythologie scandinave. L’air de rien, sans prévenir, le fantastique s’immisce dans le réel et la fiction devient science… Entrons dans la sombre forêt de la cryptofiction !

 

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Un extrait de La chasseuse de trolls

 

« (…) il s’était approché. Il se tenait carrément devant la fenêtre et il nous observait. Non, il nous fixait avec une telle insistance que j’ai tiré le rideau. Je ne supportais pas qu’il nous regarde autant que nous on le regardait. (…) Et ses yeux… Oh là là c’était ce qu’il y avait de pire chez lui. J’avais la sensation de regarder un animal dans les yeux. Ils étaient jaune, jaune citron, avec des pupilles allongées à la verticale. (…) Il manigançait un coup. Ça se voyait, même de loin.« 

 

Présentation de La chasseuse de trolls

 

(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)

 

En 1978, Magnus Brodin, un tout jeune garçon, disparait, enlevé sous les yeux de sa mère par quelque chose que celle-ci décrira plus tard aux agents de police comme étant « un géant ». Un géant sorti de nulle part, apparu juste là sous les frondaisons et disparu à tout jamais, emportant l’enfant avec lui.

Susso Myrén est cryptozoologue, c’est à dire qu’elle se passionne pour l’étude des animaux dont la science n’a pas (encore) prouvé l’existence. Il se trouve que son propre grand-père, photographe aérien, avait réalisé en 1986 un cliché dans la vallée de Rapadalen, au nord de la Suède, région de la peuplade Same. Sur ce cliché, un ours rôde dans les bois.

« On distingue, juste au bas de la bosse que l’ours a sur le dos, une tache claire. Et, si on affûte son regard, ou si on l’observe à la loupe, on reconnaît un corps nu aux jambes et aux bras fluets. On a l’impression de voir un singe. mais bien sûr, il ne s’agit pas d’un singe. Ce n’est pas un animal. Et ce n’est pas un être humain. C’est autre chose. Un entre-deux. Une bête, mi-homme mi-animal. »

Vingt cinq ans plus tard, près du grand lac gelé de Vaïkijaur, dans la ville de Jokkmokk, un homme étrange a été vu rôdant aux alentours d’une maison. Sauf que… la vieille dame qui l’a aperçu ne semble pas convaincue que ce soit vraiment un homme. Un homme d’un mètre cinquante, peut-être moins, en sweat à capuche d’où émergent deux yeux jaunes à l’éclat animal…

Pour alimenter son site internet consacré aux trolls et autres entités occultes de la suède sauvage, Susso interroge la personne qui a vu l’individu aux yeux jaunes. Mais peu de temps après le petit-fils de la vieille dame disparaît. Mattias, 4 ans, semble avoir été enlevé par celui que l’on va désormais appeler « l’homme de Vaïkijaur« .

Rapidement happée par cette affaire, persuadée qu’il s’agit là d’un enlèvement perpétré par un troll, et que la police ne cherchera pas dans la bonne direction, Susso se laisse entrainer dans une dangereuse quête de la vérité.

Accompagnée de Gudrun sa mère et de Torbjörn son compagnon, la chasseuse de trolls se lance dans une enquête périlleuse à travers la Suède. Mais ces créatures, les trolls, ne sont pas seulement des animaux. Ils sont la nature sauvage de la suède…

 

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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )

 

 

L’homme de Vaïkijaur

 

A Vaïkijaur, Susso pose un piège photo pour tenter de surprendre ce petit homme qu’une habitante a surpris à sa fenêtre et qui ressemble fort à un troll. Mais peu de temps après, le petit-fils de cette habitante disparait sans laisser de traces.

Nous sommes près de Jokkmokk, dans les contrées septentrionale les plus reculées de la suède.

« Beaucoup de gens disent que les trolls ont disparu quand le pays a été électrifié. Peut-être qu’ils ont senti le courant partout, dans le moindre fil électrique, avec une force décuplée. C’est concevable non ? »

Dans ces contrées vit une petite famille un peu reclue, plutôt asociale et rustre. Il y a le jeune Seved, Ejvor sa mère et le vieux Börje, un homme dur mais avisé. Et il y a ceux qui vivent dans « la bicoque », qui excitent les chiens la nuit, et qui empestent…

Un jour il se produit quelque chose qui n’aurait pas dû arriver, et qui sonne le début des ennuis pour cette famille. Car ceux qui vivent là dessous, dans le sous sol de la bicoque, ne tiennent plus en place.

« Il ne lui vint pas à l’idée de s’approcher d’elle. Néanmoins, ses yeux durent remarquer que quelque chose clochait. Il resta figé dans la même position quelques secondes, sa lampe dirigée droit vers elle, avant de prendre conscience que l’arrière du crâne avec le chignon brillant se trouvait à la place du visage et que, par conséquent, elle fixait la tapisserie sans rien voir. »

Et quoi de mieux pour les calmer qu’un enfant, puisque les enfants les fascinent… Puisque les trolls adorent les enfants…

Le tout jeune Mattias, enlevé sans violence à l’aide de ruses aussi abjectes que cruelles, subit pratiquement un lavage de cerveau, ou on lui fait croire que sa mère l’a abandonné, et tout ceci avec beaucoup de minutie, pas à pas, pour être sûr que le gamin bien que très chamboulé par son enlèvement, finisse par accepter son sort. Börje semble rôdé à cela, tout comme un autre vieillard qui pointe souvent le bout de son nez et qui terrifie le jeune Seved. Un vieillard du nom de Lennart.

L’affaire semble d’une grande complexité, et s’étend sur 35 ans. Susso progresse cependant assez vite là ou la police semble piétiner, et cela ne convient pas à Lennart et sa bande. Ils vont tenter de se débarrasser de Susso et sa famille par tous les moyens. Par la force : la leur, celle des trolls, ou celle des mystérieux skrymt, ces petits animaux, souris, lemmings, écureuils… Et qui semblent avoir le pouvoir de pénétrer l’esprit des hommes, jusqu’à les détruire en partie.

« Le lemming était visiblement entré trop en profondeur dans les arcanes de son cerveau. Il y avait démantibulé quelque chose. »

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’enquête de Susso va la mener sur la piste de… John Bauer, le célèbre illustrateur Suédois, auteur de « Parmi les gnomes et les trolls » au début du siècle dernier. Un illustrateur pour enfants, et presque un mythe dans ce pays ou le folklore tient une part capitale.

Ainsi, ce périple trans-suédois va les mener aux origines de tout cela. Alors que certains skrymt surgissent du passé, on commence à percevoir ce qui motive réellement les uns et les autres, trolls y compris. Des forces terrifiantes émergent du fond des bois.

« L’homme n’essayait pas de se libérer, son corps inerte laissait penser qu’il avait perdu connaissance.
L’instant d’après, le troll le jeta de toutes ses forces sur la glace. »

Les trolls sont l’incarnation de la nature. Dans tout ce qu’elle a de plus sauvage bien sûr, mais pas uniquement. La nature est polymorphe, et c’est en pénétrant dans cet univers cryptique que l’on commence à comprendre, peu à peu, la vraie nature de la nature

 

 

La chasseuse de troll, Cryptozoologie, fantastique et science fiction

 

(Méfiez-vous des écureuils…)

Que fait une histoire de trolls dans une bibliothèque de science fiction me direz-vous ? Habituellement, la science fiction essaie d’avoir une certaine cohérence scientifique, elle est « crédible ». Dans le cas contraire on parle de fantasy (aux limites de la SF), de fantastique (des vampires, des loup-garous, et des manifestations « paranormales »), d’horreur et d’épouvante (des maisons hantées et des revenants vêtus de draps blancs…) voire contes & légendes dès que l’on touche aux monstres de l’ancien temps qui semblent avoir été créés de toutes pièces il y a fort longtemps pour obliger les enfants un peu trop turbulents à rester tranquille, manger leur soupe et leurs épinards et faire leur(s) devoir(s). Ainsi le croquemitaine est présenté par wikipédia comme un « personnage maléfique présenté aux enfants pour leur faire peur et ainsi les rendre plus sages » (sic).

Hé bien, le troll est avant tout un animal mythique, au même titre que le yéti, le bigfoot, le kraken ou le monstre du Loch-Ness. Son « étude » relève donc de ce que l’on appelle la cryptozoologie.
Dans « La chasseuse de trolls« , on se trouve dans un récit qui mêle la réalité (les lieux et certains personnages sont réels, à commencer par le fameux John Bauer, dont l’histoire est véridique. Enfin au moins en partie…) et la fiction. Et puis il y a un troisième aspect, la « dimension fantastique », qui apparaît doucement au fil du récit, et se met en place en s’incluant dans les éléments du monde réel avec beaucoup de soins, sans jamais paraître absurde ou puéril. En fait, on se trouve dans un récit qui est à la fois un thriller et une bouquin de fantasy.

Le tour de force de Stephan Spjut, c’est de créer une histoire à laquelle on peut croire, des personnages auxquels on peut s’identifier, et ce malgré la présence des trolls qui pourraient en rebuter beaucoup, ne serait-ce que par les a priori que l’on peut avoir sur les récits de nature « folklorique ».

Bien évidemment, il fallait être scandinave pour écrire de cette manière sur les trolls

Le talent de Stephan Spjut, c’est aussi la psychologie des personnages. Et notamment les manipulations mentales dont font preuve Lennart et Börje envers le petit garçon. C’est assez terrible et en même temps terriblement efficace. On se dit que ce genre de choses pourrait effectivement fonctionner.

« Ta maison, c’est ici. Il faut… il faut que tu le comprennes ! Et tu t’appelles Bengt. C’est écrit dans les papiers. Dans les papiers d’adoption. »

Et puis enfin, il y a l’intrication des éléments du récit, la complexité de l’histoire, la manière dont les indices se recoupent, et ce basculement lent et pernicieux vers le fantastique. D’une histoire d’enlèvement aux allures de superstition et de folie douce à une confrontation directe avec des créatures aux capacités surnaturelles, le récit évolue patiemment sur plus de 600 pages. C’est ce format important qui permet ce passage d’un monde à l’autre ; un récit plus court n’aurait sans doute pas fonctionné. Stephan Spjut prend donc le temps de raconter les choses et cela fonctionne.

Et on bascule lentement mais surement d’un monde à l’autre. On marche sur le fil entre réalité et fiction, puis on bascule.

Les trolls semblent représenter le dualité du monde sauvage, la dualité humaine, la dualité science/fiction. Tour à tour humanoïde et animoïde, violent ou empathe, manipulateur ou manipulé… « Rien n’est tout à fait stable en ce monde », semblent-ils nous dire…

Humain ou animal, naturel ou surnaturel, le vrai et le faux, le scientifique et l’occulte se téléscopent dans un livre passionnant autant qu’original, dans lequel on ressent toute la puissance de la nature scandinave, sauvage et brute, et en même temps d’une immense sensibilité. Les trolls existent bel et bien en tous cas, sinon, comment un livre de fiction pourrait les décrire aussi bien.
Stephan Spjut les a vu, j’en suis certain 😉

A lire absolument.

 

« Suède, terre refuge des bêtes sauvages ;
Suède, terre d’hiver aux ciels tout en ravages »

 

Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.

Note : La chasseuse de trolls est le premier volume d’un diptyque. Pour autant le livre se suffit à lui-même et on n’est pas frustré par une fin qui serait « tronquée ». En revanche, personnellement, j’ai hâte de lire les (600 ?) pages du deuxième tome dès qu’il sortira…

Et surtout chers lecteurs, je vous en prie, méfiez-vous des écureuils !

 

 

Auteur : Stefan Spjut
Editeur : Actes Sud
Collection : Exofictions
Format : 14,5×24
ISBN : 978-2-330-11415-2
640 pages
Année : 2019
Pays : Suède
Titre original : Stallo (2012)
Traducteur : Jean-Baptiste Coursaud

 

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

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2 pensées sur “La chasseuse de trolls – Stefan Spjut”

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