L’appel de Cthulhu est une nouvelle de science fiction fantastique écrite en 1926 par Howard Phillips Lovecraft, et retraduite en 2015 chez les éditions Points.
Récit de référence de l’écrivain génial de la petite ville de Providence, ce court récit a bénéficié de pas moins de 8 traductions françaises !!! Celle-ci, effectuée par François Bon, est véritablement excellente et mérite la lecture ou la relecture du mythe de l’abomination de l’océan Pacifique…
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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic…
Un extrait de « L’appel de Cthulhu » …
« (…) je ne pourrai jamais plus dormir calmement, quand je pense à ces horreurs qui guettent à jamais sous nos vies dans le temps et dans l’espace, et à ces blasphèmes sans nom venus d’étoiles disparues et qui rêvent sous la mer, reconnus et honorés par un culte de cauchemar prêt et même impatient de les lancer à l’assaut du monde, jusqu’à ce qu’un nouveau tremblement de terre redresse à nouveau la monstrueuse cité de pierre face au soleil. »
Présentation de L’appel de Cthulhu
Un teaser pour vous donner envie…
(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)
Tout a commencé lorsque le jeune Henry Anthony Wilcox raconta ses étranges rêves au Professeur Angell. Des songes emplis de créatures indescriptibles, si ce n’est par l’horreur qu’elle suscitent par leur simple description. De ces rêves, Wilcox, un sculpteur talentueux et hypersensible, tire suffisamment d’inspiration pour réaliser une statuette représentant une forme grotesque et hideuse, accroupie sur un piédestal de pierre gravé de hiéroglyphes d’un genre inconnu.
Bientôt, une fièvre étrange s’empare du jeune artiste et le Pr. Angell, archéologue et linguiste semble prendre la chose au sérieux et rédige une série de notes. Mais tout ceci semble peu crédible, les écrits d’un vieillard crédule relatant les affabulations d’un jeun homme manifestement dérangé.
Pourtant, une série d’évènements relatés suite à une intervention policière à la Nouvelle-Orléans et liés à un obscur culte vaudou révèlent d’étonnantes similitudes avec les rêves de Wilcox et l’étrange statuette d’argile…
« Ils viennent des étoiles, et ont apporté Leurs images avec eux »
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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )
Une abominable statuette de pierre verte…
L’histoire en détails
Un jeune homme impressionnable, sculpteur hypersensible à tendance asociale de la ville de Providence, modèle dans l’argile un beau matin une statuette représentant une créature de cauchemar.
« Une tête de poulpe avec des tentacules, surmontée d’un corps ridicule avec des écailles et des ailes rudimentaires ; mais c’était l’impression générale de l’ensemble qui le rendait le plus terriblement effrayant. »
Le narrateur est le petit-neveu du Professeur Angell, à qui ce jeune homme, Henry Wilcox, est venu présenter son oeuvre et les étranges glyphes dont il a orné le piédestal. Angell est mort subitement, sans explication réelle si ce n’est son âge très avancé. Il est tombé d’un coup, dans la rue, à peine bousculé par un homme aussitôt disparu.
L’exécuteur testamentaire se trouve donc rapidement en présence des écrits de feu son grand-oncle, et il découvre les notes relatant les nombreux entretiens aux cours desquels Wilcox lui a raconté les rêves, ou plutôt devrait-on dire les cauchemars, qui suivirent leur première entrevue. Et jusqu’à ce que les cauchemars se transforment en forte fièvre délirante valant au jeune homme un internement pour raisons médicales…
« (…) les rêves sont plus vieux que la ruine de Troie, ou ce que contemple le Sphinx, ou les terrasses de Babylone. »
Fait très étrange, durant la même période se produit dans les bayous de la Nouvelle-Orléans une cérémonie de culte vaudou nécessitant l’intervention des forces de police. L’inspecteur Legrasse interrompt un rituel monstrueux au centre duquel semble vénérée une statuette de pierre verte dont la description la rapproche de la figurine sculptée par Wilcox.
« (…) ils allumèrent leurs lanternes et avancèrent en silence à travers ces terribles bois de cyprès où le jour ne pénètre jamais. D’affreuses racines et des lianes moussues pendantes les assaillaient, et ici et là des amoncellements de pierres ruisselantes ou les fragments d’un mur pourrissant que rendait plus obsédant la morbide habitation disparue amplifiaient la dépression créée par les arbres déformés et les champignons sur leur amas spongieux. »
Tout ceci est sans doute pure coïncidence, peut-être même que Wilcox est un usurpateur. Pourtant, au même moment toujours, un navire perdu au milieu du Pacifique Sud est pris en remorque par un Cargo. À son bord, un homme a demi fou et un cadavre. Et un récit qui rappelle celui de Wilcox sur la côte est des États-Unis. Et celui de l’inspecteur Legrasse à la Nouvelle-Orlans. Et les mots étranges que les hommes faits prisonniers par lui ce soir là lui ont psalmodié trouvent un écho dans le récit de Johansen, le marin rescapé.
« Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn. »
L’appel de Cthulhu et le mythe fondateur du culte
Analyse dystopique
« Ne jamais considérer l’extraordinaire comme un fait acquis (H.P.Lovecraft) »
Ici commence le mythe. Lovecraft place le narrateur dans la ville de Providence (même s’il ne la nomme pas directement), sa propre ville natale. L’appel de Cthulhu est le récit fondateur de ce que l’on s’est mis à appeler dans les années 90 le « Mythe de Cthulhu ». Pourtant il s’agit là d’une simple nouvelle de moins d’une centaine de pages, écrite en 1926 et publiée en 1928 après avoir essuyé quelques refus. Pourquoi Cthulhu deviendra t-il plus icônique que Nyarlathotep, les Grands Anciens ou Shub-Niggurath ? Hé bien c’est sans doute grâce à ce récit précisément.
Tous les grands thèmes chers à Lovecraft sont condensé ici. D’abord bien sûr il y a l’horreur, l’abomination, la monstruosité plastique de celui que l’on ne doit pas nommer, l’effroyable Cthulhu, être chimère associant des traits humains et reptiliens, céphalopode gigantesque, « cyclopéen » (un adjectif typique de la littérature de Lovecraft). Et il y a la préexistence dans le récit d’un culte, de sociétés secrètes dispersées de part le monde, en Amérique et dans les îles du pacifique entre autres.
« (…) [ce culte] ne disparaîtrait jamais, caché dans des lieux lointains et sombres tout autour du monde, jusqu’au temps où le grand-prêtre Cthulhu, depuis sa noire demeure dans la puissante cité de R’lyeh sous la mer, se lèverait et soumettrait à nouveau la terre à sa domination. »
Cthulhu est un mystère, à la fois monstre, dieu, créature extraterrestre, il est à la fois mort et non mort, il est enfoui sous les mers dans sa cité de pierre et rêve. Il peut communiquer par rêve interposé avec les vivants en tous cas certains d’entre eux, à la fois « élus » et « maudits » par ce privilège.
Lovecraft crée l’effroi par la suggestion. Il ne s’agit pas de simples cauchemars, ni de cultes sauvages. De cet horreur ordinaire, il tire la suggestion d’un univers effroyable, aussi halluciné que réaliste, et dont la crédibilité bien réelle confine à l’épouvante.
Ainsi, pour ceux qui ne connaissent pas encore Lovecraft, c’est un incontournable, suffisamment court pour la découverte de l’auteur, et caractéristique de l’univers créé par celui-ci. C’est aussi ici que l’on trouve la description de la fameuse cité de R’lyeh, où Cthulhu « attend et rêve ». Cette description à elle seule mérite la lecture. Lovecraft y décrit longuement la géométrie des lieux, « non-Euclidienne« , et qui fait basculer le récit du fantastique à la science fiction. L’horreur n’est pas un monstre maléfique, mais bien une créature d’outre-espace et d’outre-temps.
« (…) même le vieux soleil de notre ciel semblait distordu, maintenant qu’ils le voyaient dans la polarisation des miasmes émanant de cette perversion trempée de mer, et tout devenait menace et attente guettant sourdement dans ces angles fuyants des rocs sculptés où le regard découvrait maintenant des concavités à ce qu’il avait d’abord cru convexe. »
À ce propos, et là je m’adresse à tous les adorateurs de Cthulhu, on trouve au coeur du récit les coordonnées de la cité engloutie de R’lyeh : 47°9’S, 126°43’W. Alors, si vous avez un bateau, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
8 fois traduits en français (!!!!), L’appel de Cthulhu méritait que François Lebon se penche à nouveau sur ce texte. Longtemps considéré comme un auteur au style très imparfait, inculte et dérangé, Lovecraft a été maltraité durant plusieurs décennies. Ce n’est qu’au cours des années 2010 que des traductions plus fidèles à son style si particulier ont commencé à voir le jour. Ici donc, rien n’est abusivement corrigé. Le style est volontairement désuet parfois, les termes surannés (même en 1926), la richesse des récits correspond aux personnages qui les font et bien sûr le « point virgule Lovecraftien » trône bien au milieu des phrases.
Si L’appel de Cthulhu n’est pas d’après moi le meilleur récit de H.P. Lovecraft (je lui préfère nettement Montagnes de la folie ou encore L’étrange maison haute dans la brume), c’est l’un de ceux qui contiennent les plus belles envolées lyriques. J’ai parfois cru lire un poème, une chanson, quelque chose qui relève à la fois d’Edgar Poe (pour lequel Lovecraft vouait une grande admiration) et de Samuel Taylor Coleridge (lire « Le dit du Vieux Marin » encore appelé « La ballade du Vieux marin » ou » The Rime of the Ancient Mariner« ). Comme ces deux auteurs d’exception, Lovecraft est capable d’écrire une histoire cauchemardesque avec une plume d’une immense poésie.
Voilà sans aucun doute ce qui a fait le succès (posthume) de Lovecraft. Le mariage de la poésie et de l’horreur suscite fascination et effroi.
L’appel de Cthulhu m’a littéralement effaré.
« Ce qui s’est levé doit tomber, et ce qui a sombré doit se relever.«
Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.
Auteur : Howard Phillips Lovecraft
Editeur : Points
Format : 10,9×17,9
ISBN : 978-2757851357
96 pages
Parution : avril 2015 pour cette édition
Pays : États-Unis
Titre original : The Call of Cthulhu (1928)
Traduction : François Bon
Chroniqueur : Julien Amic
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