Le Roi en jaune - Robert W. Chambers - Samuel Araya - Callidor - Julien Amic - les-carnets-dystopiques.fr
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Le Roi en jaune

Le Roi en jaune est un recueil de nouvelles écrites par l’auteur américain Robert W. Chambers en 1895, réédité dans un format illustré en octobre 2022 aux éditions Callidor.
Il s’agit d’une oeuvre emblématique de la littérature fantastique, ouvrage de jeunesse d’un auteur à la production inégale. Inspiré par Ambrose Bierce, encensé par H.P Lovecraft, ce livre envoûtant dégage une atmosphère étrange où le féérique côtoie l’horrifique.
Mais n’est-il pas téméraire de tenir dans ses mains un ouvrage maudit ?

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

 

Un extrait de « Le Roi en jaune » …

 

« je ne peux oublier Carcosa où le ciel est parsemé d’étoiles noires, où l’ombre des pensées des hommes s’allonge dans l’après-midi, où les soleils jumeaux s’enfoncent dans le lac de Hali, et mon esprit sera toujours hanté par le souvenir du Masque blême. »

 

 

Teaser : « Le Roi en jaune »

Un teaser pour vous donner envie…

(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)

 

Il existe en ce monde des choses indicibles et des ouvrages honnis. Des textes qu’il faudrait brûler de peur qu’on ne les lise, et que l’on assimile alors toute la substance étrange et fantomatique contenue dans quelques mots à la portée mortifère. Mais qui voudrait brûler une oeuvre capable d’exercer une telle fascination ? Car le mystère est une lueur merveilleuse qui scintille dans les ténèbres les plus profondes, et nul homme au monde ne peut y résister.

Le Roi en jaune est de ces oeuvres que l’on croyait disparues, détruites et perdues, et qui soudain ressurgissent sans crier gare. C’est une pièce de théâtre, que l’on retrouve par hasard sur la plus haute étagère d’une antique bibliothèque. On ne savait même pas qu’on le possédait et pourtant il est là ce Roi en jaune. Et tout le monde le sait bien : il ne faut pas l’ouvrir, c’est un opus nocif pour la santé mentale et la morale. Et puis on en lit le premier Acte bien sûr, juste pour voir… On est happé, on poursuit la lecture et c’est alors que l’on se laisse emporter par un deuxième Acte qui nous changera à jamais… Le piège est refermé, et le monde autour nous paraît bien étrange.

Mais un livre peut-il réellement avoir une telle influence sur ses lecteurs ? Plusieurs d’entre eux, en tous les cas, semblent avoir vécu de bien étranges histoires… Hâtons-nous alors de lire Le Roi en jaune !

« et le vent humide du lac de Hali vint glacer mon visage. »

 

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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )

 

Car ils ont lu Le Roi en jaune…

L’histoire en profondeur, mais sans tout dévoiler

 

C’est trente années dans le futur, en 1925, qu’officie M. Wilde,« Le Restaurateur de réputations« . New York est alors une ville qui a subi de profonds changement sociétaux et moraux, et le gouvernement vient de « reconnaître à l’homme le droit de mettre fin à une existence rendue insupportable par la souffrance ou le désespoir »… C’est dans ce contexte que Hildur Castaigne a besoin de l’aide de Wilde pour être rétabli sur le trône, lui, le dernier héritier du trône Impérial d’Amérique. Seul M. Wilde peut lui venir en aide car d’aucuns considèrent Castaigne comme un fou, un malade mental, depuis qu’une chute de cheval a failli le tuer. On l’a interné de force alors… pourtant il est sain d’esprit ! Il est même peut-être l’un des seuls à l’être, car il a lu Le Roi en jaune !

« Le Masque » se déroule à Paris où vit un sculpteur dénommé Boris Yvrain. Il réalise des oeuvres d’une finesse qui dépasse tout ce qu’ont pu accomplir ses pairs et ses mentors. Mais son talent ne se limite pas à la sculpture, car il maitrise une certaine science, et si ses personnages sont si ressemblants, c’est qu’ils étaient vivants, avant qu’il ne les plonge dans un liquide aux propriétés terrifiantes…

Dans « La cour du Dragon« , il est question d’un homme qui tente de trouver la paix en l‘église Saint-Barnabé. Car il a lu Le Roi en jaune et son esprit est tourmenté depuis des jours et des nuits. Peut-être est-il en train de perdre la raison ? L’organiste en tous cas joue son instrument d’une manière insupportable, et lui seul semblait en être importuné. Et c’est ce même organiste qui, lorsqu’il termine son office, et traversant la nef, lui jette soudain un regard empli d’une haine incommensurable…

« Le Signe jaune« … mieux vaut ne jamais l’apercevoir. Mais de sa fenêtre Jack Scott peut entrevoir le parvis de l’église et, le soir venu cet étrange veilleur de nuit au teint blême. Celui-là même qui vient hanter les rêves noirs de Tessie, modèle de l’artiste new-yorkais. Et voilà que cet être répugnant pose une bien intrigante question : « Avez-vous trouvé le Signe jaune » ?

Dans « La Demoiselle d’Ys« , un homme est venu de Kerselec, près de l’île de Groix, en traversant les landes et les marais. Ayant du mal à retrouver son chemin, il rencontre une jeune femme qui semble issue d’un autre temps. On dit qu’il est facile de pénétrer dans les sombres marécages, et qu’on y accède en quelques heures de marche seulement. Mais en repartir, dit-on, peut prendre des siècles…

« Le paradis du Prophète », « La Rue des Quatre-Vents », « La Rue du premier obus », « La Rue Notre-Dame des Champs » et « Rue barrée » se déroulent tous à Paris dans le Quartier latin, et mettent en scène de jeunes hommes, étudiants de l’Académie Julian, en butte à la complexité des sentiments amoureux…

« J’étais épuisé par trois nuits de souffrance physique et de désordre mental […] Car j’avais lu Le Roi en jaune. » 

 

Fantasmagories new-yorkaises et légendes bretonnes

« Le Roi en jaune » décortiqué

 

« Cette découverte perverse pourrait corrompre le monde de l’Art. »

Voici un ouvrage pour le moins perturbant, et à plusieurs titres…
Tout d’abord, il présente la particularité d’être extrêmement hétérogène, et peut se diviser en deux, voire trois catégories.
Les quatre premiers récits sont en effet des nouvelles qui relèvent du genre fantastique, où le fil rouge est constitué par ce qu’il convient d’appeler une « mythologie » du Roi en jaune, cet ouvrage fictif imaginé par Robert W. Chambers. Le cinquième est également une oeuvre fantastique, mais elle est liée en revanche à l’un des plus célèbres mythes… bretons ! Enfin, les cinq derniers récits procurent une lecture pour le moins déstabilisante : ce sont des histoires à l’eau de rose d’un autre temps dont on appréciera le romantisme suranné ou dont on détestera la mièvrerie, au choix. Ils sont en tous les cas liés par une vision de la féminité très « 19e siècle ». Je ne m’étendrai pas sur cette deuxième partie du livre donc (tout juste puis-je préciser que j’ai plutôt apprécié « Rue barrée »), et préfère revenir à ce qui fait l’intérêt de ce que d’aucuns qualifient de chef d’oeuvre de la littérature fantastique.

Concernant cette édition « Collector » de chez Callidor, je dois aussi préciser tout d’abord l’ajout d’une nouvelle d’Ambrose Bierce intitulée « Un habitant de Carcosa« ,datant de 1886, et qui a inspiré Chambers. À ce sujet, je vous laisse découvrir les passionnantes et très enrichissantes préface et postface de Christophe Thill et S. T. Joshi, qui permettent de mieux comprendre le contexte d’écriture et les influences de Chambers, les auteurs qu’il a lui-même influencé etc. Ces addenda, couplés aux splendides illustrations de Tom Araya – pardon – Samuel Araya (Tom c’est le chanteur de Slayer…🤘) et à la luxueuse couverture, font de ce livre une oeuvre d’Art à part entière, qui justifie l’acquisition de cet objet-livre même si vous avez déjà Le Roi en jaune dans votre bibliothèque…
Il ne servirait à rien que je répète ici ce qui est déjà dit par Thill et Joshi, je me bornerai donc à y ajouter mes impressions personnelles, que voici.

Robert W. Chambers joue avec les thèmes du fantastique, de la santé mentale, de la perception du réel, en bref de la notion même de réalité. En effet, le concept général des 4 premiers récits (qui auraient suffit d’ailleurs, les autres n’ont pas grand chose à faire dans ce recueil ?), c’est qu’il existe un livre intitulé « Le Roi en jaune », qui semble affecter la santé mentale de ses lecteurs. Ainsi, il est difficile de savoir si les évènements relatés par les personnages sont réels (quoique surnaturels), ou s’ils relèvent de délire paranoïaques et autres psychoses schizoïdes… rencontrent-ils la mort ou l’imaginent-ils ? Le « Roi en jaune » est-il un Dieu, un personnage de fiction, une construction de l’esprit dérangé du personnage ? Chambers ne dévoile qu’une partie du mystère, et à chaque fin de récit, rien n’est certain. Le lecteur est plongé dans un flou habilement modelé, où il est difficile de dire avec certitude s’il s’agit de folie ou de surnaturel. Et c’est alors que vous vous apercevrez que vous êtes vous aussi en train de lire un bouquin intitulé « Le Roi en jaune » qui bouleverse vos certitudes et votre capacité à distinguer ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Belle mise en abyme, simple mais efficace !

Une particularité dans les récits de Chambers m’a également frappé : la forte présence de l’imaginaire breton ! Cette influence est évidente dans « La Demoiselle d’Ys » bien sûr : la mythique cité d’Ys, jadis envahie par les eaux et que l’on situe habituellement dans la baie de Douarnenez (mais pas que…), est en effet une composante forte de l’imaginaire breton. Mais on pourrait aussi faire le parallèle entre la « voiture/corbillard » de la nouvelle « Le Signe jaune » et la figure traditionnelle de l’Ankou, représentant la mort dans la tradition bretonne, et qui apparait souvent dans les récits en compagnie de sa karrig (charette en breton).
La préface de Chrtistophe Thill nous révèle que Chambers a passé du temps en Bretagne dans sa jeunesse, en marge de sa présence à Paris à l’Académie Julian entre 1886 et 1891…
De l’imaginaire armoricain, on retrouve donc la noirceur de La légende de la mort chère à Anatole Le braz, mais aussi cette part de féérique-merveilleux plutôt caractéristique des légendes arthuriennes que l’on retrouve dans les marais de La Demoiselle d’Ys, sans doute le récit qui m’a le plus marqué.

"Ta bouche ardente", Samuel Araya - Le Roi en jaune - Callidor - Julien Amic - les-carnets-dystopiques.fr
« Ta bouche ardente », Samuel Araya

L’ambiance générale véhiculée par l’écriture de Robert W. Chambers est a rapprocher de celle que l’on a pu lire chez Edgar Poe avant lui (« Le restaurateur de réputation », « Le Masque »), puis chez H.P. Lovecraft après lui (« le Signe jaune »). Mais les écritures de Poe et de Lovecraft sont me semble t-il d’une richesse bien supérieure. Pour autant, la force des atmosphères révélées par la lecture du Roi en jaune est incontestable. Elles sont sublimées dans cette édition par les illustrations de Samuel Araya, qui traduisent admirablement le côté onirique (cauchemardesque ?) de la prose Chambersienne.

« Le Roi en jaune » est un ouvrage mythique, une pièce maîtresse de toute bibliothèque de l’imaginaire, à placer aux côtés des histoires extraordinaires de Poe, des mythes lovecraftiens, des grands espaces de Blackwood et pourquoi pas des recueils de légendes d’Anatole Le Braz. Surtout, cette édition luxueuse lui donne une aura particulière : on se prendrait presque à croire que l’on tient dans les mains le véritable livre maudit, un rare exemplaire de cet opus qui rend fou.
Lisez-le si vous l’osez mais prenez garde… vous ne serez plus jamais le même !  

« je ne peux oublier Carcosa, où le ciel est parsemé d’étoiles noires »

 

Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.

 

Le Roi en jaune - Robert W. Chambers - Samuel Araya - Callidor - les-carnets-dystopiques.fr
Le Roi en jaune

Auteur : Robert W. Chambers
Editeur : Callidor
Collection : Collector
Format : 18×25
ISBN : 978-2901207115
320 pages
Parution : 2022 (octobre)
Titre original : The King in Yellow
Parution originale : 1895
Pays : États-Unis

Traduction : Christophe Thill (traduction révisée et corrigée)
Illustrations : Samuel Araya
Chroniqueur : Julien Amic

 

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