Les Petits Hommes de la Pinède - Octave Béliard - l'Arbre Vengeur - les-carnets-dystopiques.fr
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Les Petits Hommes de la Pinède

Les petits Hommes de la Pinède est un récit « merveilleux-scientifique » écrit par Octave Béliard en 1929 et réédité en octobre 2022 chez les éditions de L’arbre vengeur.
Une pinède peuplée d’homoncules issus d’une expérience scientifique, une manipulation génétique qui fait de leur créateur un démiurge bientôt dépassé par ses propres créations… C’est le récit d’un aliéné, un manuscrit étrange et perturbant… Mais Moranne était-il réellement fou ?
Entrez dans l’esprit du Dr. Dofre si vous l’osez mais attention… Il est difficile d’être un Dieu !

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

 

Un extrait de « Les petits Hommes de la Pinède » …

 

« Des grands hommes incompris des foules n’avaient-ils pas de tout temps été soupçonnés ou nettement accusés de folie ? Quel cousinage mystérieux reliait donc le génie et l’aliénation mentale ? Quel critérium avait-on pour la diagnose, le génie et le fou s’écartant tous deux également des voies communes, pour saisir entre les êtres et les choses des rapports nouveaux et inattendus ? »

 

 

Teaser : « Les Petits Hommes de la Pinède »

Un teaser pour vous donner envie…

(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)

 

Le Docteur Aimé-Grégoire Moranne vient de mourir, dans un asile d’aliénés ou il a passé la plus grande partie de sa vie. On l’y a placé après qu’il eut mis le feu à une vaste propriété, celle du Dr. Dofre, un médecin-chercheur fortuné dont on a retrouvé le squelette calciné au beau milieu des cendres de la petite pinède voisinant le château. On y a retrouvé aussi une infinité d’ossements d’enfants, c’est en tous les cas ce qu’on a pensé au début. Au vu des proportions, c’était peut-être toute une population de singes de laboratoire…

Toujours est-il que Moranne a laissé derrière lui un manuscrit, où il raconte sa version des faits. Ce récit, élucubrations d’un individu à l’esprit dérangé (?), explique que le Dr. Dofre aurait en réalité créé toute une population d’êtres humains aux proportions réduites, hauts d’une trentaine de centimètres à peine, et qui auraient vécu au sein de la forêt du domaine…

Mais cette fable, saisissante de réalisme et de précision, est bien différente des habituelles et farfelues inventions que produisent ordinairement les pensionnaires des asiles d’aliénés. Elle en serait presque crédible et vraisemblable. Alors, Moranne était-il donc réellement fou ? Peut-être pas…

« La science pratique !… La science humanitaire !… Oui ce sont les idées du siècle. »

 

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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )

 

Des dieux et des homoncules

L’histoire en profondeur, mais sans tout dévoiler

 

C’est à la mort de Aimé-Grégoire Moranne que son récit est extirpé des « archives de la folie », cette bibliothèque improbable ou sont conservées toutes les oeuvres des pauvres bougres internés dans cette maison de fous. L’un des responsables de cet hôpital entame la lecture de ce curieux ouvrage, en présence de l’un de ses amis.

Moranne y relate l’histoire de sa rencontre avec le Dr. Dofre, un scientifique passablement asocial qui, ayant lu les travaux de son collègue sur l’étude du nanisme, a choisit de l’inviter à venir découvrir le fruit d’une expérience hors du commun. Car il a créé à force de manipulations embryologiques, une nouvelle espèce humaine, en tous points semblables à la nôtre, à ceci prêt que les individus, parfaitement proportionnés, ont à peine la taille d’un nouveau-né !

D’abord incrédule face à cette affirmation, Moranne est bien obligé de se rendre à l’évidence lorsqu’il visite le sous bois clos de murs dans lequel Dofre a installé sa population naissante… Les petits hommes existent bel et bien, et Dofre est bien leur créateur !

Mais une telle création est-elle éthiquement acceptable ?

« Mais ne comprenez-vous pas que la science mérite d’être aimée pour elle-même ou pour la joie égoïste et divine de toujours plus savoir, de sans cesse enfanter et détruire ? »

Ayant d’abord créé un couple abandonné dans ce jardin avec l’injonction de procréer et de multiplier l’espèce, Dofre se positionne en Dieu, adoré et craint. Du haut de sa tour il contemple l’évolution de sa création, qui se multiplie à une vitesse presqu’effrayante. Car le cycle de vie des petits hommes est accéléré et c’est toute l’évolution de l’humanité qui se rejoue ici en miniature, depuis les premiers chasseurs-cueilleurs jusqu’aux civilisations les plus avancées…

Qu’adviendra t-il alors lorsque les petits hommes cesseront de craindre leur dieu ?

« Le dieu qui cesse d’être dieu devient l’obstacle qu’on brise. »

Moranne, sans le vouloir, va influencer par sa présence nouvelle le devenir du petit peuple. Le vieux Dofre, qui souhaite lui transmettre la lourde tâche de poursuivre un travail hors du commun, regarde avec une curiosité avide, presque malsaine, les guerres et autres révolutions qui déchirent ses créatures… Est-ce un génie, ou un fou ? Un dieu ou un tyran ? Telles sont les questions que se posent Moranne et Les Petits Hommes de la Pinède.

« Qu’un homme eût eu le pouvoir de modifier, de réviser la création de Dieu, quel sujet d’admiration ! » 

 

La divinité en tant que notion relative

« Les Petits Hommes de la Pinède » décortiqués 😱

 

« Ce sont des hommes […] que nous regardons par le gros bout de la lorgnette pour que, les individualités disparaissant, nous voyions les grandes lois de la biologie gouverner leur masse »

Les Petits Hommes de la Pinède est un roman faisant partie d’un genre particulier, et un peu oublié : le merveilleux-scientifique. Il me faut donc immédiatement préciser que l’ouvrage est enrichi (c’est peu dire) d’une préface de 60 pages rédigée par Fleur Hopkins-Loféron, spécialiste du genre et directrice de la toute nouvelle collection Fantascope des éditions de l’Arbre vengeur, et qui vous apprendra tout ce qu’il y a à savoir sur Octave Béliard, le genre merveilleux-scientifique, et sur Les Petits Hommes de la Pinède, admirablement décortiqués… Je ne tenterai donc pas ici de refaire ce travail, mais j’y ajouterai mes réflexions personnelles !

« un récit parfaitement crédible et vraisemblable, à l’exception d’une seule loi physique, chimique ou biologique qui est modifiée ou inventée »
(le merveilleux-scientifique par M. Renard, cf. préface du livre)

Le merveilleux-scientifique, c’est presque un paradoxe… Ce qui est scientifique est rationnel, factuel, vérifiable et reproductible. C’est qui relève du merveilleux en revanche semble n’être que pure fantaisie.
Un savant merveilleux c’est donc… un savant-fou ! Ainsi, le récit est basé sur cette ambiguïté entre génie et folie. Moranne est présenté comme un « aliéné » (un terme commun en 1929 pour désigner les patients atteints de troubles psychiatriques), et il présente lui-même le Dr. Dofre comme un individu très très limite… Border-line dirait-on aujourd’hui !

« le merveilleux moderne a introduit dans la littérature un type artificiel de savant insociable, irritant, surhumain et même inhumain, dont la puissance inventive réalise les plus invraisemblables rêves. On a déjà vu ce guignol partout. »

Dofre est pratiquement un hérétique-scientifique. Son personnage nous questionne sur la limite entre ce qui relève de la recherche scientifique légitime, et ce qui penche vers la folle expérimentation d’un apprenti-sorcier. Dofre symbolise la science exemptée de conscience morale, alors que Moranne tente de se dépatouiller avec une éthique qui lui semble nécessaire mais bien difficile à respecter dans ce cas précis, puisque le mal est déjà fait lorsqu’il devient malgré lui un protagoniste de premier plan dans cette délicate expérimentation.

« Car les hommes sont infiniment moins sensibles à la lumière de la vérité qu’à la chandelle du sens commun, et pour eux se tromper en commun est encore la sagesse. »

Observant avec (un) détachement (inhumain) l’évolution civilisationelle de sa création, il délaisse l’individu pour se concentrer sur la multitude, justifiant son absence d’empathie par un recours à la loi des grands nombres (Asimov utilisera plus tard le même principe pour imaginer sa psychohistoire). Il observe la masse sans regarder le peuple.

« Le principe des égarements de l’Histoire est dans l’analyse trop minutieuse de faits placés trop près de l’oeil et dont la complexité nuit à l’impression de l’ensemble et à l’entendement des grandes lois. »

Or ce peuple se déchire. Au départ chasseurs-cueilleurs, les hommes et le femmes, qui se reproduisent au bout de 3 ans seulement et dont le développement est considérablement accéléré, évoluent rapidement. Ils découvrent et vénèrent le feu, construisent leurs premiers outils, connaissent leur période néolithique… Leur société devient une oligarchie théocratique, ou les vieillards sont respectés pour leur sagesse et ou l’on craint par dessus tout les commandements de Dieu… Et ce Dieu, c’est Dofre !

Puis la théocratie se mue en régime féodal, où les puissants chasseurs « Mangeurs-de-Viande » oppriment et dominent le tiers-état des « Mangeurs-d’Herbe »…. Tiens, il y aurait donc une symbolique de force et de virilité chez les mangeurs de viande ? Ça me rappelle un truc mais je ne sais pas quoi… 😈

Et voilà la lutte des classes qui pointe le bout de son nez ! Il est amusant de voir comment Octave Béliard triture et reprend à son compte toute l’Histoire de France et/ou de l’humanité ! Nonobstant, ledit Dofre/Béliard y va forcément de sa vision mi-érudite mi-cynique :

« L’opprimé se consolait de sa misère : il dépendait de son courage, de son audace, qu’il fût promu au rang des oppresseurs. »

C’est presque une réflexion philosophique sur l’histoire des civilisations et la psychologie humaine… Et l’étape suivante est nécessairement la révolution… et la guerre, omniprésente dans cette oeuvre.

« La guerre, stupide, ne profite qu’à la mort. »

Des guerres et des atrocités que regarde et observe sans effroi aucun le créateur de cette civilisation. Là encore, c’est la possibilité de détachement du regard qui est mise en question : est-il possible de regarder le monde s’entretuer sans éprouver aucun sentiment ? Peut-on rester insensible à la mort et à la souffrance… Lorsqu’on est un dieu ?!!
Aaah la vaste question… Mais pourquoi Dieu n’intervient-il pas pour imposer la paix ?! Peut-être par ce qu’en fait de dieu, c’est juste un savant fou totalement dépourvu… d’humanité ? Thèse intéressante mon cher Béliard !

Car c’est bien de cela qu’il s’agit au final. Oui, Dofre est un Dieu ! Pas juste un symbole divin, non, il est bien un dieu véritable… aux yeux de ses créatures ! Peut-être est-il grisé par cela, peut-être se prend-il réellement pour une divinité, lui qui n’est après tout qu’un expérimentateur sans scrupule, un proto-eugéniste en devenir, obnubilé par son oeuvre, psychopathe obsessionnel, acariâtre et tyrannique…

Mais Les Petits Hommes de la Pinède développe encore une autre idée, celle d’une science qui est aussi synonyme de connaissance, de savoir, et qui provoque le doute, le questionnement, la remise en cause des croyances, fussent-elles d’ordre divin.
Ainsi lorsque la technologie des petits hommes dépasse celle des grands, les dieux sont en danger, car ils deviennent mortels…

« Ce sont des chimistes très avisés, plus avisés que nous puisqu’ils prétendent décomposer l’atome et transmuer les métaux. »

Un dieu doit-il être cruel envers ses créatures ? Un dieu, s’il n’est pas bienveillant, devient-il un ennemi, un « obstacle qu’on brise » ? Cesse t-il alors d’être un dieu ?
C’est toute la question que pose Octave Béliard avec Les Petits Hommes de la Pinède, un ouvrage étonnant qui donne envie de relire, aussi, « Il est difficile d’être un dieu » d’Arkadi et Boris Strougatski !

Les Petits Hommes de la Pinède est un fascinant roman « merveilleux-scientifique »  qui pose la question des limites éthiques de la science, mais aussi du principe de divinité. En rejouant l’histoire de l’humanité en miniature sous la houlette d’un scientifique sans scrupules, il nous interroge sur ce qui fait de nous des êtres humains. C’est aussi et surtout un livre que l’on ne lâche pas, tant on a envie de savoir quand et comment tout çà va bien pouvoir finir !

« La poésie n’est-elle pas, après tout, l’au-delà de la science ? »

Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.

 

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Les Petits Hommes de la Pinède

Auteur : Octave Béliard
Editeur : L’arbre vengeur
Collection : Fantascope
☞ Prix Maurice Renard 1930
Format : 12,5×18
ISBN : 978-2379412035
200 pages
Parution : 2022 (octobre)
Parution originale : 1929
Pays : France

Chroniqueur : Julien Amic

 

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🙏 Je remercie chaleureusement les éditions L’arbre vengeur qui m’ont gracieusement fourni un exemplaire du livre.

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