Outresable, roman de science fiction de Hugh Howey, chronique des Carnets dystopiques
Outresable, roman de science fiction de Hugh Howey, chronique des Carnets dystopiques
Outresable, Hugh Howey

Outresable est un roman de SF post-apocalyptique paru en France en 2019. Ecrit par Hugh Howey, le créateur de la série « Silo », il plonge le lecteur dans un océan de sable ou l’humanité tente de survivre. Les plongeurs explorent les anciennes civilisations ensablées au péril de leur vie alors que, loin dans le nord et par delà la faille, la terre gronde sans cesse…

 

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Un extrait de Outresable

 

« Une tache orangée dans le sable, là-haut. À trente mètres. Quelque chose pour se motiver. Une lumière mourante. Une île dans l’immensité. Son corps avait besoin de respirer, son corps lui ordonnait de recracher l’embout du régulateur et d’aspirer le sable : c’était cette impulsion qui naissait à la fin de l’asphyxie, le besoin pressant d’emplir ses poumons de quelque chose, n’importe quoi, même de la terre. Quoi qu’il y est à respirer. Un simple hoquet. Il fallait le faire, bordel. Boucher ses poumons avec du sable, et mettre fin à la douleur. C’était ce qu’il fallait faire. Il allait le faire. Mais cette tache orange. Un corps. »

 

Une brève évocation de « Outresable »

 

(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)

 

Il y a des siècles, des millénaires peut-être, le sable a tout envahi. La surface de notre planète est ensablée, recouverte d’un océan de grains fins, ou les dunes ont remplacé les vagues et les montagnes. A la surface, entre les villes de Low-Pub et Springston, une population survit comme elle peut. Les plus riches ont leurs habitations abritées derrière le Mur, les autres, ceux qui vivent dans Bidonville, profitent de leur « maison » jusqu’a son absorption par le sable. Alors il faudra reconstruire au dessus, puis au dessus encore…

Dans cette société, les « plongeurs » constituent une élite sélectionnée dès le plus jeune âge. Ceux qui sont déclarés aptes auront l’honneur de pouvoir risquer leur vie sous le sable qui oppresse, à la recherche des reliques de l’ancienne civilisation. Là tout au fond, on peut atteindre les gratte-sols et ramener à la surface les objets de jadis, et en tirer une petite fortune. Les autres, les « mauviettes », travailleront à la surface. Plonger requiert des capacités qui ne sont pas à la portée de tous.

Un univers asséché, où la pluie ne tombe jamais, ou l’eau si rare est puisée dans des trous qu’il faut creuser sans fin, à mesure que le sable coule le long des bords. Pourtant ici subsistent des bribes de technologie. Et notamment les combinaisons qui permettent aux plongeurs de fluidifier le sable autour d’eux et de plonger pour explorer les territoires ensablés.

Un jour, un homme à l’accent étrange engage Palmer et Hap pour une plongée profonde à la recherche de Danvar, la cité des légendes. La mythique Danvar.

« Bientôt il s’enfoncerait sous la surface du sable, le seul environnement ou il s’était jamais senti en paix, et il oublierait toute cette folie qui l’entourait. »

Mais il semble que la cité et ses incommensurables richesses ne soient pas la finalité de cette expédition. Les choses prennent une tournure bien imprévue, terrible, effroyable.

Dans ce désert, on vit enfermé dans une prison de mythes, de légendes, et de peurs ancestrales. Au fond, le mythe des anciennes cités, à l’Ouest les montagnes et leurs sommets que personne n’imagine même affronter. Au nord, les terres désolées peuplées de brigands. A l’est le vent, le grondement, la faille, et puis le No Man’s Land. Ceux qui se sont aventurés là-bas ne sont jamais revenus.

Danvar n’est pas un trésor, Danvar est un point sur une carte, le début de la compréhension. Le début de la connaissance de ce qui est à l’Est, par delà la faille que le père de Palmer a franchi il y a bien longtemps, et dont il n’est jamais revenu.

 

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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )

 

 

350 mètres sous la surface

 

Palmer est un fils de pute. Littéralement. Sa mère, Rose, tient le « Puits de Miel« , un bordel situé quelque part entre Low-Pub et Springston. Il y a de nombreuses années, son père est parti, il les a abandonné. Il a senti l’appel du nord et a enjambé la grande faille pour se diriger vers ces territoires dont on ne revient pas. Bien sûr lui non plus n’est pas revenu, et sa femme a bien du se débrouiller pour survivre après çà. Les choses ont tourné ainsi.

La grande soeur de Palmer, Vic, ne met plus les pieds dans cet endroit. Rebelle, elle disparait périodiquement et vogue sur les sables à bord de son « sarfer »à la recherche d’artefacts à remonter des profondeurs en compagnie de Marco. Car c’est une plongeuse elle aussi, et la meilleure de toutes et de tous. A l’image de son père.

Et puis il y a aussi Conner, « mauviette » et déclaré inapte à la plongée, sans doute injustement, et Rob, le petit dernier.

Ici le sable a recouvert une grande partie de la surface de la terre. De l’origine de cet ensablement on ne sait rien. On sait en revanche que le sable ne recouvre pas tout, puisqu’il existe à l’ouest une région de montagnes.

« Oubliez les histoires horribles de ce qui se trouve dans cette direction. Oubliez les montagnes. Ecroulez leurs sommets s’il le faut, mais partez. »

À l’Est il y a des terres inconnues, le No Man’s Land, d’où proviennent nuit et jour des grondements sourds dont on ignore l’origine. La frontière est concrétisée par une « faille » naturelle, qui marque une limite symbolique à ne pas franchir. Les enfant s’amusent à sauter d’un côté et de l’autre de cette étroite faille, comme un rite de passage vers l’âge adulte. Ceux qui franchissent la faille avec leur sac et leurs provisions, ceux qui partent à la découverte des territoires de l’Est ne reviennent jamais.

« Devant eux se trouvait maintenant la vallée dont aucun homme ne revenait. Elle débutait là, avec sa bordure déchiquetée, à une douzaine de pas du site ou lui et Rob avaient dressé leur tente. Une frontière rugueuse. »

Un jour vient un homme à l’accent nouveau, un pirate et sa bande à la recherche de la cité mythique dont les sommets des plus hauts gratte-sols sont enfoui 350 mètres sous la surface. Il semble très vite évident que Danvar, la cité dont rêvent tous les plongeurs, n’a pas sa place dans les songes de cet homme, Brock. Faisant preuve d’une sauvagerie sans égal, une fois la cité localisée, il disparaitra avec sa bande, pourchassant Palmer puis sa soeur. Palmer qui a intercepté quelques conversations qui vont le mettre sur la piste de l’effroyable dessein du chef pirate.

« Il parlait avec un accent prononcé mais difficile à situer, peut-être celui des nomades au sud de Low-Pub, ou celui des anciens jardiniers de l’oasis, à l’ouest. »

Sur ce monde « inconnu », la connaissance amènera la destruction. Certains survivront.

 

 

Outresable, allégorie post-apocalyptique

 

Outresable est un roman à part. En ce qui me concerne, mon premier sentiment à l’issue de sa lecture était mitigé. Et j’ai pu lire ici et là la même impression d’un roman « qui a de bonnes idées mais auquel il manque un peu de profondeur ». Si dans un premier temps j’ai partagé cette analyse, je me suis laissé le temps de la réflexion, avant d’aboutir à une conclusion nettement plus élogieuse pour ce récit.

De prime abord, le roman est intéressant pour son idée originale d’un univers ou les plongeurs explorent les immensités ensablées, munis d’un attirail de plongée assez similaire au matériel « conventionnel ». A ceci près que les combis, mues par des batteries électriques chargées à l’énergie éolienne, permettent à leurs utilisateurs de fluidifer le sable et de nager dans cet univers oppressant à l’aide leur capacité de concentration. Leur vue dans cet élément est assurée par des « visières » dont le fonctionnement évoque le sonar des mammifères marins. L’évocation des plongées, dès les premières pages du roman, est un véritable régal.

Je vais faire ici un aparté pour rappeler ce qui me semble important pour un roman de science fiction : l’idée n’est pas de raconter une histoire d’évènements futurs avec notre vision présente. L’idée, est d’écrire le futur avec la vision qu’en auraient les hommes du futur. Ceux qui évoluent dans ce monde si différent de ce que NOUS connaissons. Se placer dans l’esprit des personnages est ce qui fait l’essence même de tout récit de science fiction. Or, qu’est-ce qui fait la particularité d’Outresable ? Et bien Hugh Howey choisi de nous plonger (si j’ose dire) dans un « détail » de son univers. En effet, il n’y a aucune place faite au « background », à l’histoire de cet ensablement, pour la bonne et simple raison que la population n’a pas connaissance de cette histoire. De même on ne sait quasiment rien de ce qui se trouve à l’est, à l’ouest, au sud ou au nord de la région dans laquelle se déroule le récit car… les personnages ne le savent pas non plus. On se trouve finalement immergé dans un univers sans érudit pour guider les hommes, et on est donc aussi ignorant que les personnages.

Ceci est peu habituel dans un roman de science fiction, et notamment dans une dystopie (même si Outresable n’est pas à proprement parler une dystopie, il place le récit dans un univers dystopique dans le sens ou une séparation claire s’opère entre plusieurs « catégories » de population), puisque la narration nous apprend toujours d’une manière ou d’une autre le pourquoi du comment de cet univers. Ici ce n’est pas le cas puisqu’on est au niveau de connaissance des personnages que l’on suit. Alors on peut dire que le livre manque de profondeur car il manque de background, et on peut aussi dire qu’il manque de profondeur car il manque une certaine portée philosophique à l’histoire, ce petit quelque chose qu’on adore dans les romans de sf et qui nous fait dire « tiens tiens mais c’est vrai, c’est génial de voir les choses sous cet angle », lorsque l’on referme un roman.

Et pourtant…

Outresable est une allégorie du monde moderne et de l’indifférence et la xénophobie qui séparent les corps autant que les esprits. La « faille » qui sépare le désert des territoires de l’Est est insondable, sans fond. D’un côté se trouve une population aux conditions de vie effroyables et de l’autre (spoiler !!! La suite dévoile certaines parties du récit, pour l’éviter, ne lisez pas les lignes en italique et sautez au paragraphe suivant) une population plus prospère, mais qui choisit d’ignorer les peuples de l’ouest, ou de réduire en esclavage ceux qui ne sont même pas considérés comme des hommes, parqués dans des camps de migrants. Et les hommes de l’ouest sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance à l’est, venant ainsi peu à peu gonfler les camps de migrants, provoquant ainsi la gêne de ces hommes de l’Est. De là nait une xénophobie meurtrière qui va se retourner contre l’agresseur dans une conclusion effroyable. Car comment attirer l’attention de ceux qui choisissent d’ignorer les peuples pauvres. 

Outresable est une réflexion sur la césure entre les peuples issus de sociétés ayant des degrés de développement très différents. Mais ceci fait sans prétention, c’est au lecteur de réfléchir, Hugh Howey ne fait que raconter l’histoire de ceux par qui arrivera la fin de l’indifférence, sans qu’il sachent ou comprennent véritablement la portée de leurs actes. En quelque sorte le roman est une tranche de vie de famille, même s’il s’agit d’une très grosse tranche…

Alors Outresable n’est pas forcément le plus palpitant de tous les romans de ma bibliothèque. Néanmoins j’en conseille vivement la lecture. C’est un roman qui fait partie des « perles » de la SF, tout simplement parce qu’il développe une idée intéressante, celle des plongeurs des sables. Tout amateur de romans SF se devrait à mon sens d’avoir cet ouvrage dans sa « collection » rien que pour cela. Pour ce qui est de la portée philosophique dont je parlais plus haut, je laisse à chacun le soin d’en juger…

« Selon la légende, le grand dieu Colorado et le taureau blanc Sable n’avaient pas toujours été en guerre. Les constellations suspendues dans les cieux n’avaient pas été toujours ainsi, les étoiles qui dessinaient l’homme et la bête se déplaçant à l’instar des planètes, bien que plus lentement. »

Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.

 

 

 

Outresable, Hugh Howey, Actes Sud, chronique des carnets dystopiques
Outresable, Hugh Howey

Auteur : Hugh Howey
Editeur : Actes Sud
Collection : Exofictions
Format : 13,6×21,5
ISBN : 2330117914
398 pages
Année : 2019
Pays : Etats-Unis
Titre original : Sand (2014)
Traducteur : Thierry Arson

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

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3 pensées sur “Outresable – Hugh Howey”

  1. Merci pour ce post, je suis étonné de lire que le no man’s land est au Nord, alors que mes lectures m’indiquent qu’il est à l’Est, là d’où vient le vent, à l’opposé duquel se trouvent des montagnes à l’Ouest.
    Cela aurait pu appuyer une relation Nord-Sud telle que nous la connaissons mais non, plus d’horizontalité.

    1. C’est tout à fait vrai, c’est une erreur de ma part, merci pour la remarque, j’ai mis à jour la chronique !

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