Les Aventures du pilote Pirx - Stanislas Lem - Actes Sud - les-carnets-dystopiques.fr
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Les Aventures du pilote Pirx

Les Aventures du pilote Pirx est un recueil de nouvelles de science-fiction écrites par l’auteur polonais Stanislas Lem entre 1959 et 1971 et publiées en version française en octobre 2021 chez Actes Sud.
Il s’agit d’un ensemble de dix textes qui suivent chronologiquement la carrière du pilote Pirx, un cosmonaute qui nous fait découvrir les avancées de la conquête du système solaire à travers son regard d’anti-héros notoire ainsi que par le biais de ses aventures mettant en exergue une certaine vision des progrès de la robotique.
Dans les années soixante, Stanislas Lem nous livrait une approche alternative à celle d’Isaac Asimov et de son Cycle des Robots.
Embarquez avec le plus moyen des pilotes et le plus fortuit des aventuriers interplanétaires !

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

 

Un extrait de « Les Aventures du pilote Pirx » …

 

« Il y a une zone dans l’espace entre la terre et la Lune où la taille apparente des deux planètes semble identique. Pirx se souvenait bien de l’impression qu’il avait ressentie lors de son premier vol. La Terre, bleuâtre, embrumée, avec les contours flous des continents, semblait moins réelle que la Lune, minérale, que son relief rocheux tranchant et sa masse immobile rendaient presque palpable. »

 

 

Teaser : « Les Aventures du pilote Pirx »

Un teaser pour vous donner envie…

(Si vous souhaitez en savoir le moins possible sur le livre, lisez seulement cette partie)

 

Il y a de nombreuses manières de naviguer dans l’espace, de voyager de planète en planète au coeur de ce système solaire que, pour l’heure, l’humanité n’est pas encore parvenue à quitter. De nombreux pilotes sortent de l’Académie. Loin d’êtres des héros explorateurs combattants, ce sont avant tout des travailleurs de l’éther, formés à réagir avec sang-froid à toutes les improbables péripéties susceptibles d’entraver la bonne marche de leur vaisseau.

Le Cadet Pirx réussira son examen du pilote malgré la présence d’une insupportable mouche à l’intérieur du cockpit, et au fil du temps il sera confronté à un flot d’imprévus qui pourraient l’amener à se demander si, après tout, il ne serait pas poursuivi par une malchance certaine…
Mais au-delà des qualités humaines des pilotes, la navigation trans-planétaire nécessite aussi de faire appel à des technologies de plus en plus avancées, qui vont seconder puis supplanter les capacités humaines. Prenant tout d’abord la forme de calculateurs, d’ordinateurs et d’électronique embarquée, la technologie va progressivement évoluer jusqu’à parvenir à créer des Intelligences Artificielles de plus en plus perfectionnées prenant la forme de proto-androïdes mécaniques, puis de robots d’apparence si humaine qu’ils en deviendront indiscernables, et enfin de cerveaux embarqués rendant obsolète le métier de pilote…
Obsolète ? Mais peut-être que chaque nouveau degré de perfection atteint par la robotique est susceptible de révéler un risque de dysfonctionnement à chaque fois plus important ?
L’histoire du pilote Pirx ne serait-elle pas alors un forme d’apprentissage, un parcours initiatique l’amenant à tirer de son imperfection d’être humain la capacité de pallier aux défauts de la perfection technologique ?

« […] ses professeurs ne savaient pas que c’était un rêveur. Comme personne ne le savait, il était soupçonné de ne penser à rien. Mais ce n’était pas vrai. »

 

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(La suite, sans révéler l’intrigue ni le dénouement, dévoile certaines parties du récit. Pour lire seulement l’analyse vous pouvez vous rendre directement ici )

 

L’espace n’est pas fait pour les héros…

L’histoire en profondeur, mais sans tout dévoiler

 

Le test, c’est un examen de pilotage du Cadet Pirx, un vol d’essai qui lui tombe du ciel car il n’est clairement pas le meilleur de son école et s’il est là, c’est qu’il remplace un autre pilote tombé malade. Il n’a aucune confiance en ses capacités et semble pénétré du syndrome de l’imposteur. Pourtant, il va se trouver confronter à un problème de taille qui risque de l’amener à s’écraser sur la surface lunaire. Et tout ceci alors qu’une horrible mouche verdâtre le déconcentre et volète pesamment entre le calculateur et la visière de son casque de pilote…

« je vais me pendre », se dit-il. Il n’avait pas pensé qu’en l’absence de pesanteur, même cela était impossible. »

Dans La patrouille, le pilotePirx doit affronter à une situation de possible collision avec un objet non identifié, et au comportement défiant les lois de la physique. Bien fortuitement, et en y sacrifiant involontairement une partie de son intégrité dentaire, il participera à la découverte du syndrome atactico-catatonico-clonique de Nuggelheimer !
C’est ensuite en tant que passager du vaisseau de croisière Titan qu’il se trouve impliqué dans un appel de détresse lancé par l’Albatros, et ses talents de pilote viendront en renfort de ceux du Capitaine, ce qui aura pour dommage collatéral de mettre fin à sa conversation avec une charmante passagère…

« Les passagers demandent quand ils pourront danser »

Devenu navigateur en chef du Coriolan, un infâme tas de ferraille à peine en état de voler, il tente d’analyser et de comprendre le comportement étrange de Terminus, un robot du type Réparateur universel aussi vieux et rouillé que le vaisseau qu’il tente de maintenir en état…
Se remémorant l’une des épreuves de sa formation initiale, brillamment réussie, Pirx se souvient dans Le réflexe conditionnel de ce stage qui était censé être pour lui une récompense, et qui l’avait alors mené sur la base Mendeleïev située du côté sombre de la Lune. Un accident s’y était produit, faisant plusieurs morts sans que quiconque puisse comprendre pourquoi. N’étant que simple stagiaire, il ne sert tout simplement à rien et regarde ses collègues mener l’enquête. Les choses ne se passent pas aussi simplement que prévu et Pirx se découvre une passion pour la compréhension des mécanismes psychologiques et la cuisson des omelettes…

« après tout ce qui était arrivé, il a fait cuire l’omelette et il a avalé les deux parts. Là, il m’en a imposé ! »

Par la suite, les robots prennent une place de premier plan dans la vie involontairement mouvementée du pilote Pirx.La traque du Setaur, un robot minier de fabrication américaine blindé et armé, l’amène à se questionner sur l’humanité potentielle des comportements robotique et l’inhumanité manifeste des considérations humaines à l’égard des machines. Un grossier robot vaguement androïde et conçu pour des travaux brutaux peut-il avoir des comportements évoquant une conscience morale ? Et si plus tard, la complexité des cerveaux robotique permettaient de créer des machines humanoïdes aux processus cognitifs complexes, jusqu’où pourraient aller leurs comportements lorsqu’ils sont seuls, loins des regards humains ? Jusqu’à L’accident peut-être ?

« Pirx considérait depuis longtemps qu’on pouvait mieux connaître l’homme à travers son rapport aux robots plutôt qu’à ses semblables. »

L’espace est vide, mais parfois, l’incroyable peut se produire, le plus inimaginable des évènements peut se produire sous vos yeux et c’est tout le destin de l’humanité qui peut être changé. Le récit de Pirx nous explique ce qui se passe alors lorsque vous êtes capitaine d’un vaisseau dont l’équipage est constitué d’alcooliques notoires cloués au lit par une épidémie d’oreillons…

Plus tard, lorsque sa carrière est déjà bien avancée, le pilote Pirx se voit confier une mission bien inédite : il doit être le Capitaine d’un vaisseau constitué en partie d’androïdes. Mais ceux-ci ont bien évolué depuis les premiers robots humanoïdes, et on sait à présent fabriquer des individus indiscernables des véritables humains, tant par leur aspect que par leur comportement. La subtilité, c’est que c’est un vol de test et que les « vrais humains » ne savent pas qui est ou qui sont les robots. Et Pirx non plus d’ailleurs. Le dénouement de ce vol conduira d’ailleurs celui-ci à nous raconter Le procès auquel il a du prendre part suite à cette aventure…

Enfin, Ananké est le mot qui permettra au pilote Pirx de comprendre définitivement ce qui différencie la pensée humaine de l’intelligence artificielle… ou pas !

« Oui, ça devait arriver, parce que tu es là. Tu as l’art d’attirer les aventures… » 

 

Philosophie de la cybernétique à l’épreuve de l’espace

« Les Aventures du pilote Pirx » décortiqué

 

« […] trouver une situation dans laquelle la faiblesse et les déficiences de l’être humain valent mieux que la force et la perfection inhumaines… »

Pour l’ensemble des amateurs de SF, que ce soit d’un point de vue littéraire ou cinématographique, Stanislas Lem (qui se trouve d’ailleurs parfois écrit Stanislaw Lem) est l’auteur de Solaris, son roman phare adapté deux fois à l’écran. Cette oeuvre est l’une des pièces majeures de toute bibliothèque de l’imaginaire qui se respecte, et elle figure à juste titre dans la plupart des anthologies/sélections de romans de science fiction (y compris Les 10 meilleurs livres de science fiction !). Les amateurs de cet auteur polonais connaissent aussi généralement Le congrès de futurologie ou parfois même le cycle d’Ijon Tichy ou le recueil de nouvelles La Cybériade. Ses autres récits sont habituellement moins connus et pour beaucoup ne sont pas ou plus disponibles dans les catalogues des libraires (à quand une réédition du formidable Eden !?!! ). Quant à Les Aventures du pilote Pirx… il n’avait jusqu’à présent jamais été traduit en français !
Et pourtant…

Ce recueil de nouvelles est en réalité un cycle, presqu’un roman à épisodes, où Stanislas Lem déploie tout son savoir-faire d’auteur Hard-SF. Prospectiviste, il imagine dans les années 60 ce que sera la conquête de l’espace lorsque les soviétiques (à moins que ce ne soient les américains ?) auront réussi à construire des fusées et à poser le pied sur la Lune et pourquoi pas sur Mars, avant de s’envoler vers l’infini et en deçà. Car Lem limite ici sa conquête de l’espace à notre système solaire, ce qui est déjà pas si mal quand on sait que, mis à part Ananké, toutes ces nouvelles ont été écrites avant que les Moon-boots d’Armstrong ne viennent définitivement défigurer l’immaculée surface lunaire.

L’auteur tente d’imaginer ce que pourrait être cette technologie du futur qui permettra les vols spatiaux. Évidemment, certaines descriptions ont un petit côté « vintage », comme dans La patrouille où le pilote Pirx se trouve aux prises avec des avatars énergétiques issus du… tube cathodique de son écran radar ! Nonobstant, il est évident que ce type d’ouvrage doit se lire en étant replacé dans le contexte de son époque d’écriture qui s’étend je le rappelle de 1965 à 1971 (le premier tube cathodique date de 1897 et le premier oscilloscope de 1932, mais les premiers écrans plats dignes de ce nom datent seulement de 1985 !). Il imagine l’avenir des différentes planètes, avec un regard parfois teinté d’un certain cynisme.

« La planète Mars immaculée, parce que partiellement imaginaire, des débuts de l’aréographie avait disparu, ne laissant derrière elle que des noms gréco-latins qui sonnaient comme des formules magiques d’alchimistes et dont la base matérielle était piétinée par de lourdes bottes. »

En bon auteur SF il s’applique à faire concorder la psychologie des personnages avec cette époque future. Il imagine l’espace parcouru par des pilotes qui sont des travailleurs avant d’être des explorateurs, qui naviguent en apesanteur comme on prend le métro pour se rendre au travail, c’est à dire avec une certaine désinvolture et un manque d’entrain parfois manifeste. Ayant vécu sous l’occupation soviétique après la guerre, lorsque l’armée rouge prit le contrôle de la Pologne, Lem était occidentaliste et on peut se demander (en tous cas moi je me le demande !) si l’anti-héros Pirx ne serait pas une sorte de pied-de-nez au (super)héros soviétique de la propagande Stalinienne.

« La démocratie est le pouvoir d’intrigants élus par des imbéciles et votre course à l’impossible révèle votre manque de logique : vous voudriez que les rouages décident du fonctionnement de l’horloge ! »

Car Pirx est un personnage ambigu, mais terriblement humain. Il évolue de récit en récit, passant du stade de jeune apprenti-pilote aux compétences toutes relatives à celui de commandant de vaisseau. Ses aventures sont avant tout des tranches de vie ou il apprend bien malgré lui ce que l’espace peut réserver de surprises et de dangers. Il expérimente son inexpérience et ses exploits sont souvent dus en grande partie à la chance et à des concours de circonstances bienheureux.

Alors bien entendu Stanislas Lem fait un abondant usage de l’humour pour humaniser son personnage englué dans de permanentes catastrophes. Une grosse mouche verte qui vrombit dans le casque, une tentative de drague tombe à l’eau car il faut sauver de sauver le Titan(ic ?) du naufrage alors que les passagers veulent absolument danser, un robot de réparation semble parfaitement débile, et c’est à une omelette qu’il doit d’avoir la vie sauve… L’écriture m’a par moments fait penser au style de Kenneth Cook, pour ceux qui connaissent l’hilarant auteur australien, ou au passage du « caillou qui parle » dans Phare 23, de Hugh Howey.
Mais pourquoi tenter de créer un passage aussi banalement humain, mis à part pour amuser le lecteur ? Lem n’est pas du genre à écrire du simple divertissement, il doit y avoir une intention sous-jacente.

« Les galaxies apparaissent sur les négatifs comme des corps elliptiques, des amibes à différents stades de développement – mais cela n’intéressait guère les cosmonautes, parce que leur Galaxie se limite au système solaire, le reste ne compte pas. Ça les intéressera peut-être dans mille ans. »

C’est que le véritable propos de Aventures du pilote Pirx, c’est la psychologie humaine. Son devenir dans un monde où la technologie aura su créer des vaisseaux spatiaux et des Intelligences Artificielles qui, peut-être, surpasseront l’Intelligence Humaine. Les robots sont d’abord inconséquents, cantonnés à des tâches subalternes (Terminus le réparateur), des travailleurs-forçats (le Setaur de La traque). Mais il acquièrent progressivement un semblant de conscience ; ce qui est entrevu avec le Setaur est confirmé par L’accident d’une autre machine. Les robots semblent pourvus de traces d’humanité. La question se pose alors de savoir s’ils peuvent remplacer les humains, et dans quelle mesure ceci pourrait aboutir à une mise en danger des non-robots. Car les célèbres 3 Lois de la Robotique d’Isaac Asimov n’ont pas court ici, bien que celui-ci les ait publiées déjà dans les années 40. C’est donc une psychologie robotique alternative à celle d’Asimov que Lem nous propose de découvrir.

« […]il n’existait pas deux robots identiques. C’étaient donc quand même des individualités ? Non, répondait le cybernéticien, seulement les résultats d’un processus probabiliste. »

Si un cerveau robotique peut se rapprocher des capacités cognitives autant qu’émotionnelles du cerveau humain, Lem se demande quel processus peut bien aboutir à cette humanisation des machines. Est-ce un processus logique suivant une logique probabiliste, ou bien est-ce une influence délibérée (ou pas) des concepteurs cybernéticiens ? Et c’est là toute la question posée par Les Aventures du pilote Pirx : l’être humain imparfait peut-il créer des êtres exempts d’imperfections ? En est-il capable ? Un super-calculateur ne risque t-il pas aussi de devenir un super-psychotique, et la perfection serait-elle réellement toujours « positive » ?

« Évidemment, ils ne reproduisaient pas la peur, mais seulement la structure des réactions associées à ce sentiment. »

Les Aventures du pilote Pirx méritent d’être lues. Elles sont une réflexion sur ce qui fait notre humanité, ce qui semble devoir rester immuable même lorsque nous seront capables de voyager plus loin que la Lune. Stanislas Lem nous livre ici un Cycle des robots alternatif à celui d’Isaac Asimov. C’est une véritable découverte, et un ouvrage que tout passionné de science fiction se doit de lire. La rigueur scientifique autant que l’humour jubilatoire de l’auteur sont au service d’une profonde réflexion sur l’essence même de l’intelligence et la capacité de l’humanité à conquérir l’espace et à maîtriser la science autant que sa propre tendance à jouer les apprentis sorciers…

« Les romans de science-fiction ? J’adore, bien sûr, mais seulement les mauvais. »

 

Faites-moi part de vos avis en commentaire, si le coeur vous en dit.

 

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Les Aventures du pilote Pirx

Auteur : Stanislas Lem
Editeur : Actes Sud
Collection : Exofictions
Format : 14,6×24
ISBN : 978-2330156794
432 pages
Parution : 2021 (octobre)
Pays : Pologne
Titre original : Opowiesci o pilocie Pirxie (1968)
Traduction : Charles Zaremba
Chroniqueur : Julien Amic

 

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Une chronique imprudente rédigée par Julien Amic

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